Je suis frappé de voir, en cette période particulière, à quelle point les positions, les opinions de personnes qui s’expriment sont comme figées et intransigeantes. Les affirmations sont taillées à la hache. Si quelqu’un se risque à émettre une opinion différente, les réponses sont souvent cassantes, agressives voire même violentes. Il suffit de suivre un peu ce qui se passe par exemple sur FaceBook pour le constater.

Les opinions sont comme des bouées auxquelles s’accrochent les humains à la dérive, qui ont perdu des points de repère.

Nous voyons cela par exemple dans les affirmations face à la pandémie un peu partout dans le monde, et actuellement en Suisse face à nos prochaines votations. L’énergie déployée pour tenter de convaincre l’autre, sans réels arguments si ce n’est des « vérités massives », ressemble davantage à l’énergie de celui qui veut planter un clou dans du béton à coup de marteau, qu’à celle de celui qui prend le risque d’exposer une argumentation.

Insécurité, non-écoute et sclérose.

Nous faisons donc l’hypothèse que ce durcissement des positions, cette difficulté à écouter l’autre et ce qu’il a à dire vient d’une insécurité qui prive les personnes d’une base existentielle solide. Et c’est cette base qui pourrait supporter justement l’écoute de l’autre et la réflexion qui en découle, voire les changements dans la pensée et les opinions.

Au contraire, une base fragilisée par cette insécurité existentielle pousse l’individu à se replier sur ces certitudes, plutôt qu’à enrichir sa pensée pour la faire évoluer et élargir son champ d’exploration.

Stupidité ?

Nous préférons cette hypothèse de l’insécurité à celle de la stupidité ! La bêtise, le manque de curiosité et la difficulté à entendre et comprendre un point de vue différent peuvent aussi mener à des positions sclérosées et massives. Mais il nous paraît plus honorant de penser que c’est l’insécurité ambiante quo génère ce phénomène !

Progressisme ?

Ce qui nous frappent, c’est que ce genre d’attitude se voit plus souvent manifestées par des personnes qui se réclament de mouvement qui s’annonce comme progressistes ! Comme si de nos jours, le progrès consistait à avoir une opinion, si possible politiquement correcte, et à l’asséner à tout va jusqu’à ce qu’elle devienne « vraie » de par sa multiplication.

Or la vérité n’a jamais été vérifiée par le nombre !

Ni par des arguments à l’emporte-pièce ! Et le « progrès » qui veut s’imposer par la force n’en est ontologiquement pas un.

Aimer

Pourrions-nous comme chrétien, au milieu de ce champ de bataille, poser la question de l’amour puisque l’amour parfait bannit la crainte ? Le manque de sécurité dont nous parlions plus haut vient-il finalement d’un manque d’amour, donné ou reçu ?

Pourrions-nous proposer que l’écoute de l’autre et de son point de vue est un acte d’amour ? Et même que la remise en question de certitudes « béton » devant la pensée de l’autre est aussi une attitude d’amour ? Finalement, l’amour vrai, celui qui prend un risque pour l’autre, ne propose-t-il pas de faire de la place à l’autre et donc aussi à sa pensée ?

Honorer l’autre, c’est aussi prendre en compte ce qu’il a à dire, même si cela est nouveau, ou étrange, ou dérangeant pour nous.

C’est partir de l’idée que sa pensée a une valeur et que peut-être, ensemble, dans la collaboration plutôt que l’affrontement violent des idées, il sera possible de faire émerger une idée nouvelle et plus efficace : un réel progrès.

Donner une leçon au monde ?

Certes, comme chrétien, nous pouvons proposer ce chemin plus souple, plus riche et plus intelligent. Mais il ne nous faut pas nous faire d’illusion. Nous sommes souvent dans les mêmes attitudes figées et massives quand on parle de doctrine.

Ecouter le point de vue de l’autre, mais plus encore écouter la voix du Dieu vivant qui s’exprime dans le souffle du Saint-Esprit, est un exercice qui nous demande exactement le même processus : construire notre sécurité non pas dans le repli doctrinaire, mais dans notre existence posée en Dieu. Ainsi nous pourrons laisser nos certitudes être rencontrées par la révélation nouvelle.

Conclusion

La tentation du repli idéologique nous guette tous. Pour honorer, il nous faut avoir une base existentielle solide afin de donner une chance à une pensée différente de venir féconder la nôtre et que, ensemble, nous construisions quelque chose de plus utile et plus efficace. Nous aimer, même quand nous ne sommes pas d’accord, est à ce prix.

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